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  • Photo du rédacteurAdele Daniélo

Vinted, c'est du greenwashing ?


Acheter en seconde main est perçu comme un geste éco-responsable. Pourtant, les experts s’interrogent sur le bilan écologique de cette nouvelle tendance.

Grâce au numérique, en particulier aux applications, la seconde main est en plein boom. D’ici 2030, le marché de la revente de vêtements d’occasion en ligne sera deux fois plus important que celui de la fast fashion, d’après une étude de Cross-Border Commerce Europe (CBCE). Le nombre de personnes qui ont revendu pour la première fois a considérablement augmenté. Il est passé de 16 millions en 2020 à plus de 90 millions en 2022. Une vraie révolution.


Cette nouvelle tendance est notamment incarnée par la plateforme Vinted qui obtient la première place du top 100 des marchés en ligne transnationaux durables en Europe, suivi par eBay et Vestiaire Collective. Devenue une « licorne » fin 2019, c’est-à-dire une start-up du numérique valorisée à plus d’un milliard de dollars, l’application continue sa montée en puissance malgré la crise sanitaire et devient leader sur le marché prometteur de la seconde main. L’application créer en 2008, d’origine lituanienne compte aujourd'hui près de 50 millions de membres dans le monde, dont 19 millions en France contre 11 millions en début d’année 2020. Et plus de 300 millions d’articles sont disponibles sur l’application de seconde main. Les membres de l’application peuvent réaliser des échanges de vêtements ainsi que des livres en passant par des jouets, des cosmétiques ou encore des accessoires technologiques.

D’apparence révolutionnaire, Vinted est le symbole d’une nouvelle manière de consommer remplissant les critères d’un monde écologique favorisant la “seconde-main”. Mais, cet aspect responsable véhiculé sur les réseaux sociaux n’est-il pas le résultat d’un procédé marketing visant à donner une image positive à la plateforme ? Entre conscience trompeuse et fast fashion, enquête sur les dessous de Vinted, une application aux multiples faces.



SOMMAIRE :

  1. Une démarche initiale pour réduire son impact environnemental

  2. Seconde main : faire des économies ... pour acheter du neuf

  3. Une fréquence des achats, poussée par le numérique

  4. Les clients sont-ils vraiment satisfaits ou subissent l’arnaque ?

  5. Vinted, est-ce que c’est vraiment que de la seconde main

  6. Impossibilité de choisir la provenance des articles

  7. Son utilisation ultra simple, pousse à la surconsommation

  8. Profits importants et levée de fonds à répétition

  9. Conclusion



  • Une démarche initiale pour réduire son impact environnemental

Pour l’INEC, la démocratisation des produits que propose Vinted, ainsi que l’allongement de leur durée de vie, ne seraient pas suffisants pour considérer que consommer de seconde main est plus écologique. Outre les conséquences néfastes connues de cette nouvelle pratique sur l’environnement, comme les livraisons ou le stockage des données, des chercheurs soulèvent aussi l’apparition d’effets rebonds. La modification de certains comportements des consommateurs annulerait le côté positif du marché de la seconde main.


  • Seconde main : faire des économies… pour acheter du neuf

C’est le constat contradictoire de cette nouvelle pratique : près de 70 % des utilisateurs revendraient en seconde main pour augmenter leur pouvoir d’achat sur le marché de la première main, d’après le cabinet Boston Consulting Group. Une observation confirmée par les experts. “Ça déculpabilise le consommateur. Il a l’impression qu’il fait une bonne action écologique. Mais en fait il va acheter plus de neuf ou acheter en se disant qu’il pourra revendre sur Vinted. On est donc complètement en contradiction avec cet esprit de dé-consommation ou de consommation responsable.“


  • Une fréquence des achats, poussée par le numérique

1. Pour racheter du neuf


“Comme c’est facile d’acheter et de vendre, on échange les biens tous les trois mois plutôt que de les conserver.” Pierre Galio, ADEME.


L’accélération des rotations est un autre effet rebond mis en avant par l’ADEME. Les effets indirects sont l'augmentation des transports et la multiplication des emballages, et donc des déchets. Acheter d’occasion permet également aux utilisateurs d’augmenter leur pouvoir d’achat, et donc d’acheter des volumes plus importants, selon lui. “Si ça amène un effet d’accumulation, et donc de stocker davantage de vêtements inutilisés dans les armoires, c’est une autre forme de gaspillage“, selon lui. Un effet pervers qui semble accentué par le numérique. “En ligne, l’achat se fait instantanément, un simple clic suffit, dit-il. L’accès à la consommation est facilité par rapport au fait de se déplacer dans une boutique avec des horaires, etc.“


2. Pour en avoir toujours plus


Vinted incite, et le secteur de la mode en général, à acheter toujours plus. On vide ses armoires pour mieux pouvoir les remplir. Les vêtements qui ne conviennent pas, ne peuvent être renvoyés (facilement), et se retrouvent donc à nouveau en ligne pour atterrir chez un nouvel acheteur, à qui ils ne conviendront peut-être toujours pas. De plus, les articles de seconde main vendus sur la plateforme sont beaucoup plus abordables voir même avec un prix dérisoire, parfois quelques euros. Avec les filtres de recherche proposés, comme sur la plupart des sites de fast fashion, le consommateur peut choisir une fourchette de prix et classer les articles par prix croissant/décroissant pour permettre de voir les articles les moins chers en premier et cela le pousse à la consommation.

Il faut aussi mentionner qu’une grande majorité des vêtements de ce marché de seconde main en ligne sont issus de la grande distribution. Naomi Poignant explique "qu’on ne se rend pas compte que le T-shirt qui coûte cinq euros, c’est le prix économique et non le coût environnemental et social. Derrière, on ne tient pas compte du nombre de litres d’eau consommée, de la quantité de CO2 dégagée, etc.” D’après elle, acheter et revendre un vêtement bas de gamme sur ces plateformes a aussi pour effet de dévaloriser le vêtement.


  • Les clients sont-ils vraiment satisfaits ou subissent l’arnaque ?

Le service client défectueux de la société est aussi pointé du doigt. Les clientes ne se sentent pas entendues en cas de fraude ou mécontentement. "Soit je ne recevais aucune réponse, soit on me répondait à côté", s’insurge Nathalie auprès du magazine de protection des consommateurs. "Vinted n’a jamais donné suite à mes messages", ajoute Azélie, invitée par la suite à donner son avis sur le service. Les acheteurs payent pourtant déjà une "protection acheteur" d'un montant fixe de 0,70 euros ainsi que 5% du prix de l'article. Face aux plaintes à ce sujet, Vinted a assuré qu'il allait enrichir ses effectifs d’au moins 200 personnes en 2020.


En tant qu’ancienne utilisatrice de Vinted, j'ai commandé sur la plateforme à de nombreuses reprises. Je suis une cliente exigeante qui prend toutes les précautions nécessaires pour être satisfaite de l'article. Je demandais des photos supplémentaires, les dimensions des vêtements en large et en travers, … Et sur l’ensemble des articles reçus, plus de 70% des produits ne me convenaient pas, de l’article en mauvais état à l’article mal taillé, en passant par des vêtements avec des matières bas de gamme. Au début, je renvoyai les articles mais la démarche est longue et coûteuse (généralement le renvoi coûte plus cher que l’article) donc j’ai arrêté d’acheter sur cette plateforme par peur d’être déçue. Par la suite, j'ai donné certains articles et d'autres que j'ai recyclés en les transformants à mon goût.


  • Vinted, est-ce vraiment que de la seconde main ?

La plateforme propose maintenant aux vendeurs de devenir vendeur professionnel et à devenir un membre Vinted Pro et ainsi vendre des articles en plus grande quantité sur Vinted (et non pas simplement faire du tri dans tes placards). Seuls les entrepreneurs individuels et les organisations à but non lucratif enregistrés en France peuvent s'inscrire sur Vinted Pro. Mais juridiquement, le flou demeure entre vendeur amateur et vendeur professionnel. Certains vendeurs ont eu leurs comptes bloqués temporairement ou définitivement pour soupçons d’activités commerciales et pas seulement des vendeuses stars de Vinted mais aussi de petits comptes. Pourquoi la plateforme, qui se rémunère en prélevant au vendeur une commission sur chaque vente, procéderait-elle à de plus en plus de blocages temporaires ou définitifs ? Vinted se protègerait d’une nouvelle mesure instaurée en France pour lutter contre la fraude à la TVA. Depuis janvier 2021 (mais la mesure a été annoncée en 2019), les places de marché seront tenues responsables du paiement de la TVA par les marchands de leur plateforme qui ne paient pas leurs impôts. Vinted bloquerait les meilleurs vendeurs, même si ceux-là ne sont pas commerçants professionnels, afin de ne pas prendre le risque de devoir payer. C'est une raison souvent invoquée par les Vinties qui essaient de comprendre leur éviction. Sur son site, Vinted prodigue même quelques conseils pour vendre plus rapidement : « Mets en ligne régulièrement de nouveaux articles », « Propose des réductions pour les lots d'articles et encourage les membres à t'acheter plusieurs articles à la fois »... Les vendeurs peuvent même avoir recours à la publicité, en sponsorisant leurs articles. Mais si vous vendez trop, attention au ban. C’est le double message que reçoivent les utilisateurs.


De plus, j’ai pu voir en tant qu’utilisatrice de Vinted un énorme panel d’articles sur la plateforme. Et j’ai vu beaucoup de vendeurs non professionnels créer leurs boutiques de produits neufs bas de gamme. Plusieurs témoignages, dont le mien montre qu’il y a sûrement beaucoup de comptes tous les jours qui revendent des produits achetés sur AliExpress par exemple.


  • Impossibilité de choisir la provenance des articles

À présent, Vinted permet à ses utilisateurs d’acheter des articles dans de nombreux pays tels que les Etats-Unis, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Pologne, République Tchèque, Lituanie, Espagne, Autriche, Luxembourg et Pays-Bas. Cependant, aucun filtre de recherche ne permet de localiser les articles si l’on souhaite acheter uniquement en France ou dans notre ville. D’après mon expérience personnelle, il m’est arrivé de vendre une robe à une « vintie » de main à main par le plus grand des hasards. Je demandais souvent avant de vendre un article si l’acheteuse était dans le coin, pour cet article c’était le cas donc on a pu faire l’échange en direct et sans passer par l’application.


  • Son utilisation ultra simple, pousse à la surconsommation

Site internet et application se distinguent par leur simplicité d’utilisation et leur design attractif. La recherche de produit est ciblée, on trouve en deux-trois clics une large gamme de produits qui peuvent intéresser l’acheteur potentiel. Par la suite, des suggestions sont émises par la plateforme dès l’arrivée sur la page d’accueil. De là, il n’y a qu’un pas vers le scroll infini de la page et les centaines d’articles qui défilent. Vinted est tout autant ludique que pratique ; mettre en vente un article ne prend que quelques minutes et en acheter un n’a jamais été aussi simple. Une vraie addiction pour les acheteurs qui a permis à Vinted de faire, en 2018 selon Les Échos, 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaire.


  • Profits importants et levée de fonds à répétition

Si Vinted est connue, c’est également pour ses levées de fonds à répétition, qui n’ont pas toujours connu des résultats probants, en tout cas jusqu’en 2016. Arrive alors Thomas Plantenga, ancien actionnaire, à la tête du groupe : fermeture de bureaux européens, entraînant des licenciements, nouvelle levée de fonds, automatisation de la modération du site et investissement de plusieurs millions dans les publicités en ligne ; le changement est radical. Levée de fonds record annoncée en mai 2021 de 250 millions d’euros (la précédente, d’un montant de 128 millions d’euros, avait été enregistrée en novembre 2019). L’entreprise évaluée à 3,5 milliards d’euros, bénéficie du statut de «licorne» – ces start-up, non côtées en bourse, valorisées à plus d’un milliard de dollars. Nouvelle mise en place, Plantenga propose de faire payer les acheteurs lors de l’achat, pour le service proposé et non les vendeurs, lors de la mise en ligne du produit, comme c’est le cas sur d’autres plateformes. Le nombre d’utilisateurs décolle !

Il y a matière à parler sur Vinted, j’ai donc essayé de condenser tout cela dans cet article mais il y a encore beaucoup à dire.

En conclusion, bien évidemment que le côté écologique attire de nombreux utilisateurs mais l’avantage principal de ce marché communautaire est avant tout le bas prix des articles. Vinted utilise l’image d’une entreprise responsable envers la planète principalement à des fins commerciales. En réalité, elle ne répond pas aux critères d’une application luttant contre la surconsommation mais favorise, au contraire, la consommation à outrance. Elle fait partie des organisations appelées “greenwashing”. Son interface pratique et rapide pousse le consommateur à l’achat compulsif. Il est bien plus simple de faire un panier sur Vinted que de se déplacer en magasin. De plus, le bas prix des articles et des coûts de transport entraînent les internautes à acheter en masse. Chaque produit payé est un colis déposé dans un point relais prêt à être transporté dans toute la France, voire à l’international, remettant en question une nouvelle fois le côté éco-responsable de Vinted. Cette illusion du changement de consommation est renforcée par les marques proposées sur la plateforme. Bien que l’objectif principal fût de favoriser la “seconde-main”, celle-ci provient essentiellement de production de la fast-fashion. Nombreuses sont les marques qui sont mises en cause par les médias pour pollution et production de masse telles que Shein, Zara, Miss Guided ou encore H&M. Ainsi, l’origine non-éthique des articles apparaît comme un problème flagrant, acheter d’occasion des produits issus de la fast-fashion ne va-t-il pas à l’encontre des politiques écologiques ?

 


Sources : https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/pourquoi-vinted-bloque-ses-meilleures-vendeuses-et-vendeurs | https://www.grand-deballage.fr/faut-il-acheter-vendre-sur-vinted | https://www.7sur7.be/tendances/vinted-economie-circulaire-ou-greenwashing~aafe001b/?referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com%2F | https://www.letotebag.net/culture-arts/mode/vinted-outil-de-fast-fashion | https://www.wedemain.fr/dechiffrer/vinted-leboncoin-la-seconde-main-est-elle-vraiment-plus-ecolo-que-la-fast-fashion | https://www.feat-y.com/blog/2021/11/12/vinted-eco-friendly-ou-green-washing | https://licorned.com/2021/03/01/vinted-encourage-t-elle-la-fast-fashion |


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